Des chaussures qui courent vite ? Quelle lucidité !
Car c’est parfois l’objet qui prolonge le corps.
L’externalisation d’une tâche, qui la rend plus concrète, voire réalisable.
Déléguer à l’objet la compétence interne autorise en ce cas à accomplir bien mieux.
Prétexte, transfert, gri-gri, excuse, porte-bonheur, l’objet incarne ce que nous n’assumerions pas de réussir.
L’artisan humble s’efface derrière son outil. L’enfant qui cherche sa force, la trouve à l’extérieur.
Pourtant c’est bien son pied qui tourne vite, vite; et la main du sculpteur qui taille à même la pierre.
Aussi quand l’exploit nous intimide, le matériel s’en contrefiche. L’objet endosse sans honte, sans pudeur déplacée, sans modestie aucune, l’attribution des palmes. La pub et les sponsors l’ont tellement bien compris… les sportifs-sandwichs, quand la compétition tourne en leur faveur, ont pour première mission de montrer leur objet, de relayer la marque, afin d’associer dans la tête du spectateur envieux, la performance aux skis, la victoire aux chaussures, et la palme au maillot. Les athlètes grecs et nus devaient-ils mentionner la marque de l’huile dont leur corps était oint ?
L’enfant est l’autre victime, privilégiée si l’on peut dire, de tant de spots publicistes qui le draguent et assènent que telle chose apporte tel super-pouvoir, que tel machin lui permet d’être plus et mieux.
Le règne de l’objet, jusque dans le langage. Des chaussures qui courent vite, dans la bouche de l’enfant, c’est adorable et drôle, et on peut lui laisser. Mais on pourrait aussi le laisser va-nu-pieds, dans sa belle nature, et avant toute chose, être l’objet vivant … de toute notre affection !
Etienne GdE
Etienne GdE